La longue histoire de l'huitre de Bouzigues
Les premières traces de l’histoire de l’huitre de Bouzigues remontent à l’antiquité. Les habitants des bords de l’étang de Thau pêchaient l’huitre plate, la palourde et les moules. Les fouilles de la villa romaine de Loupian ont confirmé l’exploitation des huitres plates du bassin de Thau. Les archéologues pensent que les huitres étaient expédiées vers Rome. En effet les coquilles étaient pour la plupart incomplètes. Les huitres étaient ouvertes, partiellement décoquillées, salées et exportées.
Certains indices archéologiques indiquent que ces huitres étaient probablement les fruits d’un véritable élevage. En premier lieu les archéologues ont remarqué que les coquilles d’huitre plates ont une marque qui rappelle celle d’un support d’élevage en bois. De surcroit elles sont d’une taille homogène, comme si elles n’étaient récoltés qu’après un temps de croissance contrôlé. Ces découvertes ne sont pas si étonnantes. En effet le romain Caous Sergius Orata serait l’inventeur de l’ostréiculture.
A la fin du XIXème siècle que l’élevage des huîtres et des moulent devient une affaire sérieuse sur la côte Atlantique. Cependant dans la lagune de Thau les premières tentatives furent laborieuses et les échecs nombreux. A cause de l’absence des marées les pionniers durent tout réinventer.
L'origine de l'appellation "Huitre de Bouzigues"
Après quelques siècles de pause l’histoire de l’huitre de Bouzigues s’accélère brutalement au XIXème siècle. Les premiers producteurs d’huitres s’installèrent dans les canaux de Sète en 1875, plaçant des huitre plates dans des boites en bois flottante. En l’absence de réseau d’assainissement les eaux polluées contaminèrent les huitres. Les boites furent ironiquement baptisées les “cercueils”. Finalement les pionniers s’installèrent devant Bouzigues.
La première technique efficace fut inventé par un maçon, Louis Tudesq, en 1925. Elle consiste à coller des huitres sur des tiges de béton, puis à suspendre ces tiges sur des pyramides de béton immergés dans l’étang. La technique fut amélioré par M. Bénézech qui eut l’idée de remplacer les tiges de bétons par des barres de palétuviers plus légères.
Le premier grand bouleversement : la maladie de l'huitre plate
L’huitre plate, l’huitre autochtone, étaient l’unique huitre produite en France jusqu’aux années 1920-1930. Cependant une épizootie la frappa à l’été 1920. Les pionnier de la conchyliculture décidèrent alors de changer d’espèce. Ainsi débuta l’histoire des huitres creuses de Bouzigues, avec la première d’entre elles, la portugaise. Cette dernière serait venue du Pacifique, probablement de Macao. Sa dénomination vient de son acclimatation au Portugal. Elle fut “accidentellement” introduite à Arcachon à partir de 1868 mais ne prit vraiment son essor dans l’Étang de Thau qu’après 1930.
Le second cataclysme: la disparation de l'huitre portugaise
A l’approche des années 70 l’huitre portugaises semblent avoir gagnée la partie. Pourtant elle va totalement disparaitre en trois ans. En 1966 des producteurs ont importé des huitres japonaises. Plus productive, plus résistante, cette proche cousine de la portugaise a tout pour plaire. Toutefois elle a probablement apporté les maladies qui ont affecté l’huitre portugaise dès l’année suivante. Dès 1971 les conchyliculteurs, ayant perdu plus de 90% de leur cheptel, décident d’importer des japonaises pour réensemencer les bassins de production. Aujourd’hui 98% de la production est assurée par l’huitre creuse japonaise.
La modernisation de l'huitre de Bouzigues
Profitant du bouleversement de la production, un remembrement des concessions dans l’Étang de Thau fut décidé. Il permis la rationalisation des concessions. La table conchylicole moderne, en rails de chemin de fer et au format bien réglementé s’imposa. Les cordes, dans un premier temps végétales goudronnées puis synthétiques remplacèrent les barres de palétuviers dans les années 80.
Progressivement la production d’huitres dans l’Étang de Thau monta en puissance au détriment des moules. En effet après la crise des années 1968-1972 la forte demande favorisa la production d’huitre de Bouzigues. Pour palier à cette concurrence les mytiliculteurs de Thau tentèrent, avec un succès mitigé et provisoire, de s’installer au large sur des filières.
Thau resta longtemps un des derniers bastions de l’huitre plate, Ostrea edulis, l’huitre européenne. Cependant plusieurs épisodes d’épizootie (1951, 1975-1977 puis fin des années 80) ont fortement impacté la production. Aujourd’hui elle résiste à très petite échelle, je fais partie des rares producteurs qui tentent de la relancer.
L’huitre de Bouzigues, aujourd'hui et demain
Ces dernières années de nouvelles technologies et pratiques sont apparues. Les triploïdes se sont imposées à partir des années 2000. Sans ses huitres jamais laiteuse les activités de dégustation qui rencontrent en franc succès dans tous les bassins seraient restée difficile durant la belle saison, l’immense majorité des clients ne consommant pas d’huitre laiteuse.
La dernière innovation est l’exondation. Cette technique consiste à reproduire (partiellement) le phénomène des marées. En stressant l’huitre on peut ainsi l’inciter à produire une coquille plus dure, un muscle adducteur plus puissant et surtout à faire des réserves d’énergie sous forme de glycogène. Les huitre exondées sont plus charnues, plus douces, avec le fameux gout de noisette des huitres spéciales.
Cette technique est toutefois marginale, car elle demande des investissements lourds et une clientèle de connaisseur prêt à payer plus cher un produit d’une qualité très particulière. La plupart des tables ostréicole ne sont pas équipées pour réaliser les exondations sur corde. En effet il faut à la fois des perches tournantes et une surélévation. Cependant un projet de panneau solaire sur les tables conchylicole pourrait changer la donne. Les tables étant pour la plupart vétustes, l’installation des panneaux solaires impliqueraient la construction de tables neuves, avec des équipements modernes.
Quoiqu’il en soit les producteurs d’huitres de Bouzigues se sont toujours adaptés aux changements, aux catastrophes comme aux opportunités.